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Quand la chimie verte valorise les déchets de l’industrie fruitière

Recycler les déchets de l’industrie fruitière, c’est le pari relevé par les scientifiques de l'Institut de Chimie et Biochimie Moléculaires et Supramoléculaires (ICBMS), en lien avec Madagascar. Clément Borée, doctorant à l’ICBMS, nous ouvre les portes de son laboratoire pour expliquer comment la chimie organique transforme des déchets végétaux, tels que les coques de noix de cajou, en ressources pour des peintures écoresponsables. Focus sur l’une des ingénieuses applications de la chimie verte.

Lyon - Madagascar : une collaboration pour une chimie plus verte

En collaboration avec l’Université de Madagascar, l’ICBMS mène plusieurs projets de recherche réunis autour d’un même objectif : valoriser les matières premières renouvelables et réduire l’impact environnemental des procédés industriels. Qu’il s’agisse de concevoir des pièges sélectifs pour les moustiques tigres, d’identifier des molécules issues de plantes malgaches aux propriétés thérapeutiques[1], ou encore de remplacer les tensioactifs et solvants polluants par des solutions propres et durables, l’ICBMS ?uvre pour une chimie plus verte et plus utile à la société.

C’est dans cette même démarche que s’inscrivent les travaux de Clément Borée sur la valorisation des déchets de la filière de la noix de cajou qui, chaque année, à Madagascar, génère plusieurs tonnes de coques, un sous-produit encore peu valorisé.
 

Doctorant à l’ICBMS, Clément Borée valorise des déchets végétaux pour des peintures biosourcées

Clément Borée
Clément Borée


Clément Borée a 24 ans, il est en première année de thèse à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et travaille dans le domaine de la chimie verte. Motivé par ce champ de recherche en pleine expansion, c’est le désir d’en apprendre davantage sur l’univers si vaste de la chimie qui l’a conduit à intégrer l’ICBMS pour se lancer dans la valorisation des déchets de l’industrie fruitière. Il se concentre plus particulièrement sur l’extraction de l’huile des coques de noix de cajou, afin d’isoler des molécules naturelles destinées à la fabrication de liants pour peintures.
L’objectif principal, c’est de faire des peintures biosourcées, avec moins d’empreinte carbone et de rendre ces peintures plus vertes, plus écoresponsables.

Pendant deux jours, nous avons accompagné Clément Borée pour découvrir sa méthode de recyclage des déchets naturels.


?tape numéro 1 : broyer les coques de noix de cajou !


L’extraction d’huile de coque de noix de cajou, c’est un peu comme une recette de cuisine, qui commence par le broyage, dans un blinder, de 150 g de coques envoyées depuis Madagascar.
 

coques noix de cajou
coques noix de cajou

L’ICBMS a re?u 60 kg de coques de noix de cajou en provenance de Madagascar.


coques de noix de cajou broyées
coques de noix de cajou broyées

Clément Borée broie les coques de noix de cajou dans un blinder.


Et ensuite : extraction et transformation de l’huile


Les coques broyées sont ensuite récupérées pour réaliser ce que l’on appelle une extraction avec un solvant (hexane ou d’autres solvants biosourcés) à chaud ou à froid.
 

chauffe
chauffe

La calotte chauffante porte le solvant à ébullition (>80 °C) ; ses vapeurs traversent les coques de noix de cajou, se condensent dans le réfrigérant puis retombent dans le ballon. Ce reflux prolongé extrait progressivement l’huile des coques et l’enrichit dans le ballon.


En fin de journée, Clément récupère son ballon enrichi en huile, il élimine ensuite le solvant pour récupérer uniquement l’huile naturelle brute. C’est aussi par ce principe que l’on produit les huiles végétales.
 

Ballon
Ballon

Ballon enrichi en huile de noix de cajou.
 

Une fois l’huile brute et naturelle extraite, elle doit être ensuite transformée : ? L’objectif est de séparer les molécules qui composent l’huile pour prélever celles qui nous intéressent, et ensuite procéder aux transformations sur ces molécules ?, explique Clément.
 

Après plusieurs séries de séparation, Clément obtient un solide jaune orangé qui sera mélangé à d’autres matières premières (de l’acide oléique issu d’huile de colza, du glycérol et un anhydride maléique) puis chauffé.

C’était une vraie découverte pour moi de partir de la matière brute pour obtenir ensuite le produit. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait.


Mélange
Mélange

Réalisation du mélange huile de coque, acides et glycérol.

Mélange
Mélange

Le mélange huile de coque, acides et glycérol est chauffé : il se liquéfie vers 180 °C en une heure. Clément porte ensuite à 240 °C et active l’agitation pour 10–15 h.
 

Chauffé jusqu’à 240 °C, le mélange entre dans sa phase de polymérisation : les petites molécules s’assemblent pour former de longues cha?nes, tel un collier de perles. Peu à peu, le liquide devient plus épais, plus collant, jusqu’à former une résine.

Je réalise un prélèvement toutes les deux heures pour mesurer l’indice d’acide restant dans mon milieu, qui est un indicateur de l’avancement de la réaction.

Lorsque l’indice d’acidité est satisfaisant, Clément verse dans un pot la résine obtenue, liquide et encore chaude. Il réalise ensuite une série d’analyses pour en vérifier toutes les caractéristiques chimiques.
 

résine
résine

La résine obtenue à partir de l’huile de coque de noix de cajou est versée dans un contenant. Elle est alors prête pour être utilisée en formulation dans les peintures.


Ultime étape : un produit transmis aux fabricants de peinture


C’est à partir de cette résine, contenant des molécules biosourcées d’intérêt, que le liant pour peinture sera fabriqué. Pour cela, la résine est intégrée dans des formulations élaborées par Ecoat. Le liant est ensuite transmis aux clients fabricants de peintures architecturales. L’objectif à terme étant ? de réduire l’empreinte carbone de leurs peintures gr?ce à nos résines biosourcées ?, rappelle Clément Borée.
 

Produits
Produits

Visualisation en une photo des différentes étapes réalisées en laboratoire : De gauche à droite, coques de noix de cajou, coques de noix de cajou broyées, huile extraite des coques de noix de cajou broyées, produit solide synthétisé après plusieurs séries de réactions chimiques, résine qui sera intégrée aux formulations pour les peintures.


 

Texte : Anna Thibeau / Direction de la communication Lyon 1
Photos : Eric Le Roux / Direction de la communication Lyon 1



 

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[1] Notamment dans la lutte contre le Covid-19.

Publié le 1 décembre 2025 Mis à jour le 2 décembre 2025